Dans les zones de mangroves du site Ramsar 1017 au Bénin, les femmes sans soutien adéquat produisent individuellement du sel en utilisant du bois de chauffage. Elles doivent prendre du temps (3,5 à 8 h/jour) pour collecter du bois de chauffage sur de longues distances, revenant parfois très fatiguées, et rester près du feu (4,25 à 9 h/jour) pour surveiller la production de sel. Le bois de chauffage collecté est également utilisé pour la cuisson des aliments. D'importantes fumées sont générées par le bois de chauffage, causant des maladies oculaires chez les femmes en plus de la pollution de l'air. De plus, la forte demande de bois de chauffage pour la production de sel et la cuisson des aliments contribue à la dégradation de l'écosystème de mangroves (Adanguidi et al., 2020). En moyenne, 8,21 m³ de bois de chauffage et 23,19 kg de charbon de bois ont été utilisés par habitant en 2018 dans les zones de mangroves au Bénin (Adanguidi et al., 2020). Les besoins annuels en bois de chauffage et en charbon de bois ont été estimés respectivement à 12,83 m³ et 36,25 kg par habitant pour les usages domestiques. Pour la production de sel, le besoin annuel en bois de chauffage est de 180 m³ par groupe de femmes. Un déficit d'environ 36 % reste à combler pour répondre aux besoins en bois énergie dans les zones de mangroves au Bénin. En 2027, les demandes estimées seraient de 18,859806 hm³ pour le bois de chauffage et de 53 271,485 tonnes pour le charbon de bois dans les zones de mangroves (Adanguidi et al., 2020). Des stratégies durables, y compris la technologie des cuiseurs solaires, sont nécessaires pour répondre à ces besoins énergétiques et sauver les écosystèmes de mangroves ainsi que l'allocation du temps des femmes pour la collecte de bois et l'exposition à la chaleur et à la fumée.

Outre le poids considérable supporté par les femmes dans la production de sel et la cuisson des aliments (collecte de bois de chauffage et gestion du feu pour la cuisson), elles sont également responsables de travaux domestiques non rémunérés, incluant principalement les soins personnels directs (garde d'enfants et assistance aux personnes adultes), les tâches ménagères de base (préparation des repas, nettoyage, collecte d'eau et de bois de chauffage), ainsi que le soutien communautaire (assistance aux personnes, aide aux aînés et préservation de l'environnement), souvent délégués aux filles (Padonou et al., 2023). Cela affecte l'éducation des filles car elles doivent sacrifier une partie de leur temps d'étude. Si les femmes responsables des travaux domestiques non rémunérés avaient des activités génératrices de revenus alternatives, elles pourraient augmenter leur revenu mensuel moyen de 19 000 XOF à 85 769 XOF (Padonou et al., 2023).

En plus des femmes qui produisent du sel, d'autres femmes transforment le manioc en gari, rencontrant les mêmes contraintes et défis en matière de besoin en bois de chauffage pour la production de gari et de travaux domestiques non rémunérés tels que la cuisine, la collecte d'eau et de bois de chauffage, ainsi que la garde d'enfants et autres. Heureusement, des stratégies durables, y compris la technologie des cuiseurs solaires, peuvent être utilisées comme service pour la production de sel/gari afin de gagner du temps et de l'argent pour les activités commerciales des femmes et de réduire et redistribuer leurs travaux domestiques non rémunérés tout en préservant les écosystèmes de mangroves.

Grâce à la subvention du CRDI n° 109625-001, nous avons testé l'efficacité des cuiseurs solaires pour la production de sel dans dix (10) villages de la commune de Ouidah dans la zone de mangroves au Bénin. L'innovation est co-conçue avec le groupe de femmes et basée sur le système traditionnel de production de sel pour une adoption facile. Le cuiseur solaire se compose de quatre foyers qui peuvent fonctionner indépendamment. Les résultats préliminaires ont révélé que le cuiseur solaire peut réduire jusqu'à 136 minutes par cycle de production de sel. De plus, le cuiseur solaire n'utilise pas de bois de chauffage, ce qui permet de gagner le temps passé par les femmes à collecter du bois de chauffage. Un autre impact positif est la réduction de la pression humaine sur les écosystèmes de mangroves. La réduction du temps de production permettrait potentiellement aux femmes d'avoir plus de temps pour mener d'autres activités qui peuvent contribuer à leur autonomisation. Une évaluation réalisée dans la zone d'étude (https://www.youtube.com/watch?v=M-R1hHrkUyo) a révélé que l'innovation est acceptée par tous les groupes de femmes qui ont demandé la mise à l'échelle du cuiseur solaire. Ces preuves aident le gouvernement béninois, en partenariat avec le PNUD, à mettre à l'échelle et à étendre l'innovation avec le projet intitulé ProSel (https://www.gouv.bj/actualite/1716/lancement-ProSel-reponse-gouvernement-moderniser-production-commercialisation-local-xwladje/). Le projet ProSel (de 2022 à 2025) est en train de tester certaines innovations pour la production de sel, y compris le cuiseur solaire et l'évaporation de l'eau de mer/lagune à partir de bassins peu profonds ou de réservoirs appelés marais salants dans cinq communes du Bénin (Ouidah, Comè, Grand Popo, Kpomassè et Sèmè Kpodji). ProSel a mené des sessions de collecte de données à travers des ateliers d’intelligences collectives pour identifier les défis liés à la production de sel. Suite à cette activité, ProSel a conçu et testé des équipements pour la collecte du minerai, l'extraction de la saumure, la cuisson du sel et le séchage du sel. ProSel a renforcé la capacité de plus de 1400 producteurs de sel sur l'importance de se mettre en coopératives et d'utiliser le kilogramme comme unité standard de mesure du sel. ProSel travaille également sur la production de sel à partir de l'eau de mer. De plus, il a fourni des équipements de production à petite échelle à 90 femmes à Ouidah et a soutenu d'autres dans la vente de sel iodé bien emballé lors de foires. Cependant, des investigations supplémentaires sont nécessaires pour soutenir le projet ProSel sur la manière dont ces innovations contribuent à réduire et redistribuer le temps passé par les femmes à collecter du bois de chauffage et à produire du sel pour leur autonomisation. En plus de ProSel, la FAO, en partenariat avec le gouvernement béninois, a également lancé le projet GCP/BEN/064/GFF et GCP/BEN/066/LDF, https://www.fao.org/benin/actualites/detail-events/en/c/1629717/ (de 2023 à 2028). Ce projet vise à renforcer la résilience des systèmes humains et naturels au changement climatique à travers la conservation et l'utilisation durable des écosystèmes de mangroves dans le sud du Bénin.

La réduction et la redistribution du travail domestique non rémunéré des femmes dans la zone d'étude peuvent affecter négativement les hommes dans le ménage. En effet, parmi les normes traditionnelles affectant le travail des femmes dans la zone d'étude, les hommes ne réalisent pas le travail des femmes (collecte de bois de chauffage, cuisine, collecte d'eau, lavage, nettoyage et garde d'enfants). De plus, les femmes prennent soin de la famille et effectuent les travaux domestiques en temps voulu sans se plaindre à leurs maris (Padonou et al., 2023). Par conséquent, évaluer la réaction des hommes à la diminution et à la redistribution du temps que les femmes consacrent à la collecte de bois de chauffage, à la production de sel/gari et à la cuisine, ainsi que mesurer dans quelle mesure les hommes pourraient prendre en charge les tâches traditionnellement effectuées par les femmes (cuisine, collecte d'eau, lavage, nettoyage et garde d'enfants), tout en permettant aux femmes de décider de leurs besoins au sein du foyer, serait bénéfique pour l'élaboration de politiques favorisant le bien-être et l'autonomisation des femmes, ainsi que l'amélioration du bien-être des enfants.

Le projet SEWomen vise à analyser comment ces technologies améliorent la productivité des entreprises des femmes tout en réduisant et redistribuant leurs travaux de domestiques non rémunérés. De plus, le projet SEWomen mettra à l'échelle la technologie des cuiseurs solaires testée avec la subvention du CRDI n° 109625-001 pour les femmes transformant le manioc en gari.

SEWomen testera l'utilisation du cuiseur solaire comme service pour la production de sel/gari, permettant ainsi aux femmes de ne pas avoir fait recours individuellement à un foyer traditionnel de cuisson pour produire du sel/gari. Elles auront la possibilité d'utiliser ce service moyennant une contribution financière à déterminer au cours de ce projet. Le service de production de sel/gari consiste à faire fonctionner le cuiseur solaire pour la communauté. Dans chaque zone d'étude, le groupe de femmes sera responsable pour l'utilisation du cuiseur solaire. Ainsi, l'utilisation du cuiseur solaire pour la production de sel/gari sera soumise au paiement de ce service. Grâce à ce service, les femmes n'auront pas besoin de posséder individuellement le cuiseur solaire pour la production de sel/gari, mais pourront compter sur ce service. Le paiement pour le service sera utilisé pour payer la personne qui sera recrutée pour la production de sel/gari et soutenir l'entretien du cuiseur solaire. Ensuite, les femmes n'auront pas besoin de rester pendant la production de sel/gari. Le service de cuiseur solaire permettra aux femmes de gagner du temps et d'économiser de l'argent pour s'engager dans des activités génératrices de revenus supplémentaires ainsi que de soutenir leur bien-être et leur autonomisation. Cependant, des preuves supplémentaires sont nécessaires pour déterminer combien les femmes paieront pour le service, comment le service peut être organisé et comment l'utilisation du temps des femmes sera modifiée avec le service. Des données sont également nécessaires sur la manière dont les femmes peuvent optimiser la réaffectation des économies de temps aux activités génératrices de revenus. Pour être durable, cette réaffectation devra prendre en compte les différentes stratégies pour l'inclusion des hommes, ainsi que les considérations religieuses et culturelles dans l'environnement d'étude. Les connaissances seront co-produites avec les groupes de femmes lors des expérimentations et des enquêtes. Le projet contribuera également à la diffusion des résultats de SEWomen, y compris la subvention CRDI n° 109625-001 dans le cadre du Programme de Définition des Objectifs de Neutralité en matière de Dégradation des Terres (TSP 2.0) au Bénin ainsi qu'à l'élaboration de politiques visant à (1) adopter et utiliser la technologie pour réduire le temps passé par les femmes rurales à collecter du bois de chauffage et à cuisiner tout en préservant les écosystèmes forestiers ; (2) réduire les normes sociales qui impactent l'autonomisation des femmes ; et (3) promouvoir les facteurs qui contribuent à l'autonomisation des femmes.